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MICHEL RIBON
Witness of His Time / Témoin de son temps |
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"Une œuvre d'art est souvent le reflet d'une angoisse, d'une émotion, d'une passion; elle est l'expression symbolique de tendances que la vie quotidienne ne peut satisfaire, un besoin d'arracher à la finitude et au temps quelque chose d'humain. L'homme se venge de sa finitude en créant quelque chose d'impérissable, une sorte de musée imaginaire..."
"Une œuvre d'art est une exigence de dépassement qui arrache l'homme à sa mesquinerie; elle est toujours sentie comme une libération des fantômes qui l'obsèdent. Créer, c'est courir après ces fantômes qu'il s'efforce d'enchaîner. Le poète, c'est l'homme qui veut sauver de l'oublie le chant qu'il se murmurait à lui-même."
— Michel Ribon, "Notes de classe," Lycée français de Beyrouth, 1958-59,
receuillies par M. Mekkawi
Michel Ribon, notre très cher et estimé professeur de philo, nous a quitté le 10 août 2013. Paix à son âme.
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Introduction
"Ma production s'est très tôt partagée entre deux pôles ou deux territoires de réflexion dont le premier a pu parfois orienter le choix des thèmes du second.
Le premier pôle est celui de la Seconde Guerre mondiale puisque, après m'être engagé dans la Résistance française sous l'occupation allemande, j'ai été arrêté et déporté dans un camp de concentration nazi. Sur cette époque j'ai écrit de nombreux articles, et surtout un livre, que Sartre et S. de Beauvoir m'avaient encouragé à écrire, plusieurs fois réédité sous le titre Le Passage à niveau: Vie et Mort dans un camp nazi.
Le second pôle de ma production est, quantativement, beaucoup plus important. C'est celui des territoires de l'Art dans ses différents domaines sur lesquels ma réflexion s'est toujours appuyée concrètement: la peinture, le dessin, la sculpture, l'architecture, la poésie, le roman, le théâtre, et enfin la musique.
Cette réflexion est celle d'un philosophe (agrégé de l'Université) qui, dans un langage également accessible à des non-philosophes, s'est spécialisé dans l'Esthétique et la philosophie de l'Art. Des thèmes essentiels se recoupent souvent dans l'ensemble de mes ouvrages pour les traverser: le thème des rapports entre l'art et la nature, ce que l'art doit à la nature et ce que la perception de la nature doit à la représentation artistique; le thème de la laideur dans l'œuvre d'art—laideur dans l'œuvre et sa transfiguration; le thème de l'évocation et de la représentation du Temps, et celui de la distinction du temps horizontal et du temps vertical dans le monde de l'art; le thème de la catastrophe dans la peinture, la littérature et la musique à l'ère de la modernité; le thème des rapports de l'art et de la société; c'est aussi le thème de l'effacement dans l'art et la littérature modernes et contemporains. C'est enfin une réflexion sur ce qui constitue le statut d'une œuvre—son ton, son style, sa vision, son souffle, son inspiration. Bref, je me suis efforcé de ne pas laisser de côté les thèmes et problèmes essentiels qui stimulent toute réfléxion sur l'art. Actuellement, une autobiographie "verticale" est en chantier.
Je dois dire enfin que mes ouvrages et mes articles ne s'adressent pas uniquement aux étudiants at aux professeurs du monde universitaire, mais aussi à un public, certes cultivé, et à des lecteurs sensibles aux choses de l'art et ouverts à la réflexion sur l'art."
— Michel Ribon, Aix-en-Provence, le 18 septembre, 2007 (Manuscipt)
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"My production has very early on been shared between two poles, or areas of reflection, in which the former has often guided the choice of themes in the latter.
The first pole is that of the Second World War, when following my engagement in the French Resistance Movement against the German occupation, I was arrested and deported to a Nazi concentration camp. I have produced numerous articles about this period, and above all a book—which Jean Paul Sartre and Simone de Beauvoir have encouraged me to write—titled Le Passage à niveau, Vie et Mort dans un camp nazi [The Train Crossing: Life and Death in a Nazi Camp]. First published in 1972, this book has since then gone through a numer of editions.
The second pole of my production is quantitatively much more important. It is about art in its different domains which have always preoccupied my reflection: Painting, drawing, sculpture, architecture, poetry, the novel, the theatre, and finally music.
My reflection is that of a philosopher (agrégé de l'Université) who, using a language that is equally accessible to non-philosophers, has specialized in the area of Aesthetics and the philosophy of Art. Its themes have been a constant in all my works which they intersect, including: the theme of the interaction of art and nature—what art owes nature, and what the perception of nature owes the artistic representation; the theme of ugliness in art—ugliness in the creative work and its transfiguration; the theme of the evocation and representation of Time, and the distinction between horizontal time and vertical time in art; the theme of catastrophe in painting, literature and music in the age of modernity; the theme of the relationships of art and society; as well as the theme of effacement in contemporary art and literature. Finally, I have reflected intensively about all that makes a work of art—its tone and style, its vision, breath, and inspiration. In short, I have explored the fundamental themes and issues which stimulate every reflection about art. Currently, a "vertical" autobiography is in the works.
In closing, I must say that my books and articles are not intended only for college students and professors, but also for the cultivated public at large, indeed for all readers who appreciate art and are open to reflection on art."
— Michel Ribon, Aix-en-Provence, 18 Septembre, 2007 (Trans. M. Mekkawi) |
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A Witness of His Time / Un Témoin de son temps
Né le 2 janvier, 1923, Bovée-sur-Barboure (Meuse); décédé le 10 août, 2013, Aix-en-Provence.
Education |
École normale d'Instituteurs de Commercy, Meuse (1939-42); lycée Chaptal, Paris, preparatory class for the École normale supérieure of Saint-Cloud (1942-1944); E.N.S. (1945-1950); aggrégé de l'Université (Philosophy)
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Résistance |
From July 1940, acquisition and caching of weapons abandoned by the retreating French army in the Argonne forest. Until 1944, operated in the secure "maquis" sector [area where the resistants to the German occupation gathered] of Argonne: fabrication of false IDs; writing, fabrication, and dissemination of tracts; theft of strategic materials; railway sabotage. In Paris, while pursuing studies (1942-44): propaganda activities within the Lycée Chaptal-Sorbonne liaison group.
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Déportation |
Arrested 30 July 1944 at Clermont-en-Argonne (Meuse). Imprisoned at: fort d'Ecrouves (near Toul) and Charles II of Nancy in the province of Lorraine, summer 1944. Deported to Camp Struthof (Alsace) until September 1944, then Camp Schömberg in the Black Forest (Kommando of Dachau) until 17 April 1945, when the camp was evacuated; escaped on 30 April; liberated by the American military on 3 May at Mittenwald (Germany); repatriated on 13 Mai 1945.
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Carrière/Career |
Professor of Philosophy: École normale d'Instituteurs, Aix-en-Provence (1950-51); lycée français and faculté française des Lettres, Beirut, Lebanon (1951-1971); lycée D. Villars de Gap, Hautes-Alpes (1971-1983)
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Publications |
Monographies:
- Le Passage à niveau. A narrative-essay about life in a concentration-camp as an extreme experience (Paris: Pensée universelle, 1972). A new edition from L'Harmattan subtitled: Vivre et mourir au quotidien dans un camp nazi, 2004.
- L’Art et la nature, essai et textes (Paris: Éd. Hatier, coll. Philosopher au présent, 1988).
- Archipel de la laideur, essai sur l'art et la laideur (Paris: Éd. Kimé, coll. Philosophie- Épistémologuie, 1995)
- L’Art et l’or du temps, essai sur l'art et le temps (Paris: Éd. Kimé, coll. Esthétiques, 1997)
- Parcours initiatiques de la nature à l’art, essais (Paris: Éd. Kimé, coll. Esthétiques, 1999)
- Esthétique de la catastrophe (Paris: Éd. Kimé, coll. Esthétiques, 1999)
- A la recherche du temps vertical dans l’art, essai d'esthétique (Paris: Éd. Kimé, coll. Esthétiques, 2002)
- Le Passage à niveau: Vivre et Mourir au quotidien dans un camp nazi (Paris: L'Harmattan, 2004)
- Esthétique de l'effacement, essai sur l'art et l'effacement (Paris: L'Harmattan, 2005)
- Le Gouffre et l'Enchantement, magies de la musique (Paris: Buchet-Chastel, 2006)
- Mystère et magie de l'écriture (Paris: L'Harmattan, 2007). "Prologue"
- Le Goût et la rage de vivre : Pourquoi j'ai survécu à l'enfer des camps nazis (Paris: L'Harmattan, 2009)
- Théoriser et comprendre l'œuvre d'art, de la modernité à nos jours (Paris: L'Harmattan, 2010)
- L'Art, miroir de vie et créateur de mondes: Essai sur la peinture (Paris: L'Harmattan, 2010)
- Jours de colère: L'Exode de l'été 1940 suivi de La marche de la Mort (avril-mai 1945) (Paris: L'Harmattan, 2012)
Articles:
- "Bachelard ou pour une révolution copernicienne de l'imagination, exposé et illustration par l'étude d'une situation-limite." Revue de l'enseignement philosophique, 1985, vol. 36, n° 1 (1985): 3-14
- "Parcours initiatiques de la nature à l'art." Parachute: Contemporary Art Magazine.
- "La Peau du monde et l’offrande de ses tentations." Ligeia, dossiers sur l’art : Corps et Image, n° 7-8 (octobre-décembre 1990): 99-113.
- "Le Chant des sirènes." Ligeia, dossiers sur l’art: Art et Nature, n° 11-12 (décembre 1992-juin 1993): 13-35.
- "De la mélancolie des vanités à la vie glorieuse des natures mortes." Revue Histoire et Anthropologie, n° 14 (1er semestre 1997): 24-32.
- "Les étrangers dans la résistance française: un glorieux démenti à la passion xénophobe." Le Patriote Résistant, n° 712 (février 1999).
- "Ombre et Lumière, mort et transfiguration dans l'art du portrait." Ligeia, dossiers sur l’art: La Photographie en vecteur, n° 49, 50-52 (janvier-juin 2004): 61-69.
- "Le Nazisme et la musique." Le Patriote résistant, n° 782 (décembre 2004): 12-14 - Réflexions se rapportant à ce thème, aux rapports entre le régime nazi et la musique, fondés sur la haine de la liberté dans la création artistique.
- "La Quête picturale: de la révélation de l'être." in Jean Arrouye (sous la direction de), Cézanne, d'un siècle à l'autre, 11-33 (Paris: Parenthèses, 2006).
More / En savoir plus » "Travaux et publications de Michel Ribon" (pdf)
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Affiliations |
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Decorations |
Croix du Combattant volontaire de la Résistance (1953)
Croix du Combattant (1953)
Commandeur dans l'ordre des Palmes académiques (1977)
Officier dans l'ordre de la Légion d'honneur (2001)
Chevalier dans l'ordre du Cèdre/Liban (1971)
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Quotes / Citations
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"...L'art, comme la philosophie, est une interrogation inachevée et sans cesse reprise. Toute œuvre d'art est comme une vague: avec son écume de passé, l'éclat de son présent et sa crête d'avenir, elle appelle une suite de nouvelles métamorphoses. De la vague, elle a la splendeur sauvage qui lui confère une dimension sublime; elle ouvre toujours un champ pour y inscrire un nouveau monogramme de l'Être."
— Michel Ribon, "La Quête picturale de la révélation de l'Être," in Jean Arrouye (ed.), Cézanne, d'un siècle à l'autre (Parenthèses, 2006)
Susan Mekkawi: Solstice, 2004.
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"L’artiste vrai, qui revendique la liberté de son art, refuse tout enrôlement de sa production dans la poursuite d’une quelconque finalité de l’Histoire. Pourtant, même si le temps qui parle dans une œuvre est plus profond et plus ouvert que le temps de l’événement historique qu’elle peut représenter, l’œuvre reste attachée au temps où se sont déroulés de tels événements. L’œuvre est en effet venue au monde, mais aussi du monde dont elle a pris vie. Ce monde là, cette époque-là sont présents en elle qui en fait toujours, de quelques façon, retentir l’écho."
— Michel Ribon, L’Art et l’or du temps (Kimé, 1997)
Picasso: Guernica (détail).
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"...issus tous deux de la même source intuitive, l'art et la philosophie demeurent deux entreprises parallèles d'exploration et de fondation du réel, et toutes deux complémentaires. Le philosophe, de manière réflexive, parle de la nature qu'il tient à distance de ses concepts et de la rationmalité critique. Au contraire, déchirant la trame de cette objectivité, l'artiste fait parler et chanter les choses qui le regardent comme si elles sollicitaient de lui leur transfiguration. L'art, en se rendant présent dans le réel, nous le rend plus précieux parce que plus habitable."
— Michel Ribon, Parcours initiatiques de la nature à l'art (Kimé, 1999)
Leonardo da Vinci: Vetruvian man,
Accademia, Venice. |
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D'où vient ce charme esthétique de la catastrophe et, bien plus encore, de ses représentations et de ses récits ? Un charme auquel nous cédons, comme jadis l'ont fait, dans une sorte de colère et de vertige esthétisés, les dieux et leurs prophètes, en tout temps et en tous lieux. L'art, dans son histoire, n'a cessé de jouer sur ces deux registres articulés de la chute catastrophique : la répulsion et l'attraction.
Dès qu'elle est décrite ou peinte, l'horreur-répulsion se fait horreur-attraction ; notre effroi devient délice esthétiquement et existentiellement pour revêtir une dimension de sublimité. Tel Persée à la fois héros et artiste, aux prises avec le monstre méduséen, l'artiste affronte le thème de la catastrophe pour trouver dans ce défi son stimulant, son levain et sa raison d'être essentielle ; et aussi grâce à lui : l'éclat de son style et ce battement de cœur que nous cherchons à entendre et à écouter en toute œuvre : le pas d'un Temps qui cesse enfin de nous entraîner dans sa chute.
L'art entend dénoncer, explorer, conjurer, dépasser et toujours transfigurer. Un art qui, aujourd'hui plus que jamais, a fort à faire dans un monde où la nature et les hommes sont menacés des pires catastrophes en quoi le XXe siècle fut si fertile. Mais comment et jusqu'à quel point l'art, en s'emparant de la catastrophe pour lui imposer avec ses schèmes sa propre mise en scène, peut-il, pour reprendre le propos de Baudelaire, " faire de la boue, de l'or " ? ou, en d'autres termes, offrir, comme aime à le redire Adorno après Stendhal, " une promesse de bonheur " ?
— Michel Ribon, Esthétique de la catastrophe (Paris: Éd. Kimé, coll. Esthétiques, 1999)
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Les choses nous regardent et nous regardons les choses comme s'il existait une intime connivence entre la nature et l'homme.
Fruit de cette connivence, un contenu de vérité se dépose toujours dans l'œuvre d'art. Il y a une métaphysique latente en tout art ; on peut même dire qu'il y a une dimension de sacralité ou d'épiphanie en tout grand art qui nous fait l'offrande de son aura. Certes, l'art a toute l'apparence d'un jeu, mais c'est un jeu très sérieux puisque dans son inlassable quête de l'originaire, il tente de dévoiler l'être.
C'est pourquoi, issus tous deux de la même source intuitive, l'art et la philosophie demeurent deux entreprises parallèles d'exploration et de fondation du réel, et toutes deux complémentaires. Le philosophe, de manière réflexive, parle de la nature qu'il tient à distance de ses concepts et de sa rationalité critique. Au contraire, déchirant la trame de cette objectivité, l'artiste fait parier et chanter les choses qui le regardent comme si elles sollicitaient de lui leur transfiguration.
L'art, en se rendant présent dans le réel, nous le rend plus précieux parce que plus habitable. C'est en raison de cette perpétuelle sollicitation - faire voir l'invisible dans l'enchantement du visible - à laquelle il répond généreusement, que l'art ne saurait mourir.
— Michel Ribon, Parcours initiatiques de la nature à l’art, essais (Paris: Éd. Kimé, coll. Esthétiques, 1999) |
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"D'aucuns ont dit que le temps est l'espace même de l'art. Mais de quel temps s'agit-il? Sûrement pas du temps horizontal, de ce temps qui, dans le tissue ordinaire du quotidien, enchaîne mécaniquement les effets à leurs causes et qui, à travers l'ennui, le regret, l'échec, la souffrance, le vieillissement et toutes les figures de la finitude et de l'aliénation, nous emporte vers la mort. Ce temps n'est pas toujours un destin: défi à relever, ombre ou blessure réclamant la lumière, tache aveugle de toute création, le temps horizontal fait appel à ce qui le nie pour en receuillir le levain et s'en trouve fécondé. C'est ce que réalise le temps vertical de l'œuvre d'art qui, parce que celle-ci est l'évènement d'un avènement, est un temps de secousse, de rupture, d'éveil de commencement et d'élévation. C'est le temps d'un présent perpétué qui nous offre le passage d'une présence vivante congédiant toutes les figures de la mort: temps d'une sensation-révélation qui ne peut qu'affirmer la Vie."
— Michel Ribon, À la recherche du temps vertical dans l'art (Kimé, 2002)
Paul Cézanne: Le Château noir (détail).
National Gallery of Art,
Washington, DC. |
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"... par sa fascination même, la laideur, qui multiplie dans le réel ses figures d'archipel, se propose à l'artiste comme un defi à relever: qu'elle soit physique, morale, sociale ou existentielle, l'artiste ne se borne pas à la débusquer, à la nommer, à la dénoncer; il entend la domestiquer; mieux encore il la transfigure: le repoussant devient attirant, l'inhabitable habitable, l'immonde un monde, la blessure lumière."
— Michel Ribon, Archipel de la laideur, essai sur l'art et la laideur (Paris: Éd. Kimé, coll. Philosophie-Épistémologuie, 1995)
"...Through its own fascinating force, ugliness, which in the real repeats its archipelic forms, confronts the artist like a challenge: be it physical, moral, social or existential, the artist does not stop at exposing it, identifying it, or denouncing it; he wants to tame it—still better, to transfigure it : the repulsive becomes attractive, the unlivable livable, the revolting appealing, the injury a blessing." (Trans. M. Mekkawi)
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"C'est sous sa magnificience et dans la jouissance esth étique que la musique recouvre le secret qu'elle avait pourtant promis de r év éler. C'est pourquoi nous ne cessons de la r éécouter, avec bonheur. Parce qu'elle ne cesse de r échauffer et d' éclairer la nuit des hommes."
— Michel Ribon, Le Gouffre et l'Enchantement: Magies de la musique (Buchet-Chastel, 2006) |
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G.L. Marchal. |
In Le Passage à niveau, Michel Ribon "... observe, constate, analyse, décape et révèle les divers aspects d'une situation-limite. Sans aucun chantage aux bons sentiments ni à la mauvaise conscience des lecteurs, il dit ce que devient l'homme quand on lui vole tout: ses mots, son corps, son visage, les autres, sa mémoire. Il a voulu montrer comment l'homme peut tenter de résister à ce dépouillement, et aussi les limites de cette résistance. Les faits sont montrés dans leur «pure et ignoble simplicité» et une écriture allégorique et toujours accessible confère à leur récit une portée universelle. L'auteur ressaisit cette expérience de la mort qui fut la sienne comme l'expérience de ce «Rien» à partir duquel l'homme, sans jamais être assuré du succès d'une pareille entreprise, tente de s'adosser pour se faire, se constituer, se totaliser. Une quinzaine de personnages, tous parfaitement authentiques, même si leurs noms ont été changés, vivent ou meurent tout au long de ce livre; leurs souffrances, leurs espoirs, leur désespoir, leur chute, sont vrais et ont la résonance des expériences limites, «humaines-inhumaines»."
— Michel Ribon, Le Passage à niveau: Vivre et Mourir au quotidien dans un camp nazi (L'Harmattan, 2004)
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" De mon expérience concentrationnaire, j'ai acquis la conviction qu'une sorte de modèle ou de schème s'imposait pour analyser l'expérience que chacun de nous fait du temps, pour bien poser sa vie en s'affirmant. Dans son expression simplifiée sous une forme duelle, ce paradigme est celui du croisement du temps horizontal mortifère et du temps vertical donateur de vie et d'énergie..." (p.19)
"Il y une beauté dans l'écriture des cloches qui laisse loin derrière elle notre musique de concert. C'est que la musique des cloches enjambe l'espace: tout en scandant le temps social greffé sur le temps religieux, elle est une musique dans l'espace, de l'espace et pourrait-on dire pour l'espace. Lorsqu'on entend leurs nappes sonores courant d'un bout à l'autre d'une vallée, le long d'un fleuve, remontant et redescendant les pentes des collines, glissant sur la surface d'un lac comme pour y faire des vagues, losqu'on les entend s'égarer, comme en rêvant, dans le clair-obscur d'une forêt dont elles ponctuent les murmures, c'est alors que les cloches vont partout en voyage et que, à les entendre ainsi, on s'attend, comme le dit Alain, "à les voir passer": rêve d'enfance. Ce fut le mien.... (p.249)
Je me suis souvent demandé si la force ou l'énergie qui me fut révélée ce jour-là m'a été transmise par la musique des cloches, ou si celle-ci avait simplement réveillé en moi une force et une énergie latentes. Comment en décider?" (p.270)
— Michel Ribon, Le Goût et la rage de vivre : Pourquoi j'ai survécu à l'enfer des camps nazis (L'Harmattan, 2009)
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^ "Pliant sous la tempête et ses assauts,
mais toujours là"
Collection de M. et G. Ribon.
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"Il ya un vif contraste entre la tradition spéculative de l'art, née au début du XIXe siècle, et les formes éclatées de l'art moderne et contemporain.
Les doctrines de l'art qui regrupent des philosophes et des poètes romantiques et se prolongent de nos jours entendent théoriser et normaliser l'art en le soumettant aux impératifs d'un savoir extatique: l'art ouvert à la vie de la nature et du cosmos serait révélateur de l'être. Tel serait le pouvoir sacral de l'art.
Plutôt que de partir d'un savoir doctrinal pour espérer rejoindre les œuvres, peut-être vaut-il mieux répondre à une question essentielle: Comment comprendre une œuvre d'art qui se présente comme une quasi-personne, c'est-à-dire comme un être vivant et spirituel qui se donne un ton et un style et qui, par l'ampleur et la nouvauté de sa vision, élabore son contenu de vérité?
Par là, on peut espérer comprendre l'œuvre de notre époque, tourmentée par une liberté sourcilleuse que ne vient borner aucun critère, aucun repère, aucun modèle et qui ressemble à un laboratoire de recherches.
En ces temps de détresse et d'exaltation où peintres et écrivains font prévaloir le thème de la catastropche, le pouvoir sacral de l'art, affaibli, n'a pas disparu: en transfigurant le réel, l'«aura» de l'œuvre d'art consacre l'alliance de l'horreur et de la beauté, de la répulsion et du plaisir." (quatrième de couverture)
— Michel Ribon, Théoriser et comprendre l'œuvre d'art, de la modernité à nos jours (L'Harmattan, 2010) |
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"Le propre de l'art est, contradictoirement, d'exprimer le réel en le transfigurant: miroir de vies, il est en même temps créateur de mondes. Toute grande peinture, depuis la Renaissance, peut être rangée dans un cadre général qui définit son être esentiel; ainsi, des peintres sont affectés par le tourment fécond de la mélancolie; d'autres par la turbulence et le vertige créateur du non-conformisme; certains sont travaillés par le démon de l'effacement ou encore par la recherche de l'instant lumineux; d'autres, enfin, sont obsédés par la vacuité du néant ou inversement par la plénitude de l'être. Mais tous, dans cette aventure, ont tenté de transfigurer diversement le réel et, à des titres divers, ont influé sur l'histoire de l'art en train de se faire.
Il arrive que l'on puisse hésiter à ranger arbitrairement un peintre dans un seul cadre: des intentions et motivations essentielles coexistent en lui, ont doit le reconnaître. Au total, son choix fondamental déterminant sa stratégie n'est pas exclusif, mais préférentiel; par exemple, il fait le choix de la mélancolie plutôt que de la turbulence non-conformiste (ou l'inverse); il opte (ou l'inverse) pour la gloire de l'instant lumineux plutôt que pour le clair-obscur, la nuit ou le néant; pour l'effacement plutôt que pour la quête de la plénitude de l'être. Mais une tendance dominante l'emporte finalement chez l'artiste sur toutes les autres possibles."
— Michel Ribon, L'Art, miroir de vie et créateur de mondes: Essai sur la peinture (L'Harmattan, 2010) |
Couverture: Copie conforme de l'original, Les Sept Sacrements (1ère série), 1642: Le Baptême, National Gallery of Art, Washington, DC, réalisée dans la seconde moitié du XVIIe siècle et appartenant à la collection privée de Michel et Geneviève Ribon. |
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Jours de colère: L'Exode de l'été 1940 suivi de La marche de la Mort (avril-mai 1945) (L'Harmattan, 2012)
Deux récits autobiographiques d'une forte authenticité nous sont ici proposés : le premier, L'exode de l'été 1940, décrit la capitulation, l'humiliation, la naissance de l'esprit de la Résistance au sein d'une France plongée dans la tourmente de l'invasion des troupes allemandes. Le second, La Marche de la Mort, tente de ressaisir l'expérience-limite de la déportation par le témoignage de l'auteur alors âgé de 21 ans. |
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Image Archive / Archive Photographique
Images of historic or thematic interest, selected by Michel Ribon / Images d'intérêt historique ou thématique, choisies par Michel Ribon. Voir l'Archive.
Links / Liens
- Fondation pour la mémoire de la Déportation
- Fédération nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes / National Federation of Deported and Imprisoned Resistance Fighters and Patriots
- Concours national de la Résistance et de la Déportation
- La Création pendant la période concentrationnaire
- Création et production de la période post-concentrationnaire
- Le Patriote Résistant
- Struhof - Portes ouvertes, 2005
- Le Travail dans l’univers concentrationnaire, une régression dans l’histoire humaine. Mémoire et Vigilance, n° 39 (15 octobre-15 décembre 2006)
- Centre européen du résistant déporté – Site de l’ancien camp de Natzweiler-Struthof
- "Le Temps de l'art" (Sur les essais d'esthètique de Michel Ribon). La Pensée de Midi, n° 10 (été 2003): 135-138.
- École normale supérieure - Lettres et Sciences humaines (Fontenay-Saint-Cloud)
- Association des élèves et des anciens élèves des ENS de Lyon, Fontenay-aux-Roses et St-Cloud
- Grand Lycée franco-libanais, Beyrouth, Liban
- Les Amis de la Mission laïque française
- Presentation of a signed copy of Michel Ribon's Le Passage a niveau: Vivre et Mourir au quotidien dans un camp Nazi - The Holocaust: Life Experiences during & after the Nazi Period,
Howard University, November 7, 2007.
- À la recherche de Michel Ribon. Pierre Montbrand. 2 février 2020. New/Nouveau
This website, an overview of Michel Ribon and his work, is a tribute to him by Mohamed Mekkawi, an alumnus of the Lycée français de Beyrouth, Lebanon (1959), and a former student of Ribon who taught philosophy at the Lycée for many years.
Web site researched, designed & produced by Mohamed Mekkawi, with contributions by Michel Ribon, including the "Introduction" and "Travaux et publications" as well as extracts from his work.
Supplementary illustrations provided by M. Mekkawi & Susan Mekkawi.
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